Ethan Jordy Keller

Je suis quelqu'un de très peu loquace. A quoi bon parler pour ne rien dire ? Voici ma phrase clé. J'ouvre la bouche quand il le faut, ou alors, lorsque je sais que cela va pertinemment agacer mes interlocuteurs. J'ai cette manie étrange de vouloir toujours pousser les gens à bout par n'importe quel moyen, et il est évident que cela ne m'apporte jamais de bonnes surprises. J'aime taquiner, énerver, parfois même jusqu'à me faire haïr ou punir. Ça tombe bien, je suis un garçon plutôt masochiste, quand on y pense. Rechercher toujours à tomber plus profond dans le trou n'est pas un exemple bien éloquent de cette caractéristique de ma personnalité ? Je suis donc de ce fait, une personne qui s'attire beaucoup d'ennuis. Ennuis qui sont le résultat .. de l'ennui. N'est-ce pas ironique ? Ayant des capacités intellectuelles franchement supérieures à la moyenne, j'ai assimilé les connaissances plus rapidement que n'importe qui durant ma vie et ma mémoire a toujours été sans limites. Je ne comprenais pas l'intérêt des cours magistraux, alors que je pouvais avancer bien vite par moi même à la maison. Pendant que les professeurs faisaient classe, je ne trouvais rien de mieux que .. m'agiter, troubler le cours, ce qui me valait beaucoup d'allers simples chez le principal ! Il m'en a fait voir de toutes les couleurs, mais bon, cela n'a jamais changé mon comportement. Les colles aussi je connaissais, et c'était durant ces heures que j'apprenais des sujets qui n'étaient nullement au programme en classe. L'informatique, l'étude du cerveau, la médecine en général, la physique quantique et tant d'autres sujets qui me passionnaient. Je peux vous le dire maintenant sans grande difficulté, ma passion, c'est la médecine. Pire, j'aspire à devenir un grand chirurgien et me vois déjà découper plusieurs personnes pour effectuer des opérations difficiles. Pas d'appendicectomie, j'aimerais principalement agir sur le cerveau ou sur le cœur, les plus importants du corps humain. Pourtant, je ne suis pas glauque et n'ai pas de fascination morbide pour le sang ou les cadavres. En fait, je ne trouve même pas d'intérêt dans la bagarre, qui est pourtant un sujet particulièrement apprécié des sujets de type masculin. Je suis quelqu'un de radicalement utopique, et pacifiste, qui préférera régler tout par la parole et non par la violence.

I.

J'étais né. Mes poumons s'ouvrirent, et je souffrais alors de ce déploiement et de l'air qui prit place dans mes poumons. Quelle horreur. Ce n'est pas la mère qu'il faut plaindre, mais bien sa progéniture. Après s'être frayé un chemin dans un passage étroit et asphyxiant, il doit se retrouver dans un monde cruel et bien moins attrayant que l'utérus chaud de sa génitrice. J'étais en retard, de quelques jours, puisque j'avais très vite compris que ce qui m'attendait à l'extérieur serait bien moins amusant que là où j'étais. J'avais prolongé mon petit séjour, mais on avait fini par me forcer à naitre. Les goujats !

MEDECIN ▬ C'est un garçon !
PERE & MERE ▬ Quel bonheur !

Ils avaient eu une fille, déjà. Prénommée Leonie. Un prénom bien ingrat, si vous voulez mon avis, mais cela n'a pas empêché mon amour futur pour ce bout de chou d'être bien grand. J'étais le premier garçon né de la famille Keller donc, et fier de l'être. On m'avait nommé Ethan, grâce à un manque d'originalité de mes parents qui choisirent le prénom du grand père paternel. Moi, je m'en fichais bien, après tout. Ce n'était pas bien méchant comme nom. J'arrivais dans une famille donc aimante, et bien mieux que j'aurais pu espérer. J'aurais pu, en tout cas, tomber bien pire.

II.

J'étais assis sur les sièges de derrière, comme tout enfant de mon âge. 10 ans. Ce n'était pas bien grand, mais ce n'était pas bien petit non plus. La racine carré du siècle, ce qui n'était pas négligeable. Je regardais, l'esprit agité, les arbres défiler par la vitre de la voiture. Ma mère était au volant, et chantonnais un de ces airs qu'elle inventait au fur et à mesure, et sur lesquels elle ne mettait que des paroles incompréhensibles. Nous rentrions de courses. J'avais été obligé de l'accompagner, punition pour avoir dérangé l'ordre de la classe le matin même. Le cours de mathématiques avait été tellement ennuyeux, que je m'en étais senti l'obligation. Était-ce un aussi grand tord ? Dans tous les cas, je m'en étais quand même sorti à bon compte. A cause de mes frasques, je n'avais pas énormément d'amis. La famille Keller était connue pour ses enfants, qui semblaient tous être des troubles-fêtes. Le jeune garçon qui était né un an après moi, Samuel, était plutôt bon dans son genre.

ETHAN ▬ Maman, vite !! Arrête toi !! A droite !!

Les yeux écarquillés, je regardais le spectacle sur le côté de la rue. Un peu paniquée, ma mère suivit mes conseils et stoppa la voiture près de la scène, afin de regarder ce qui avait attiré mon attention. Elle sortit rapidement de la voiture, et je mettais aussitôt la main sur la poignée pour la rejoindre.

MERE ▬ Non, toi, reste dans la voiture !

Je suivais son ordre et maintenais la porte verrouillée. Je ne pouvais que regarder à travers la vitre du coffre. Ma mère s'avança vers le jeune homme qui était à terre, afin de regarder ce qui pouvait bien se passer. Elle était infirmière. Pour tout dire, je ne m'étais jamais vraiment intéressé à son métier, sauf lorsque l'on me demandait en classe ce que je voulais faire plus tard. Devenir infirmier ? Très peu pour moi. Mais bon, j'avais entendu tellement de récits de jeunes qui suivaient la vocation de leurs parents que cela m'était un peu rentré dans la tête. Je ne savais pas vraiment que faire, moi. Superhéros était envisageable.

Ma génitrice s'abaissa vers la bouche de l'homme inanimé, pour voir s'il respirait, surement. Elle mit alors ses doigts dans son cou, pour sentir un pouls. J'en déduisais à son expression faciale qu'il n'y en avait aucun, et l'observa alors faire pression à intermittence régulière sur la poitrine de l'inconnu. Elle semblait mettre tout son corps et toute son âme à essayer de sauver l'individu, sans même connaître son prénom. Bien vite, les secours qui avaient été appelés par un des passants étaient arrivés, et ma mère s'était accaparé les instruments pour continuer sa tâche. Je n'y croyais plus, il fallait le dire. J'avais les larmes aux yeux, de voir ma mère essayer encore et encore de ranimer le pauvre homme alors qu'il était déjà parti.

Alors que je me préparais à me retourner et à me rasseoir, pour attendre sagement que maman revienne dans la voiture, l'homme à terre bougea. Enfin, très légèrement. D'après les figures des médecins et de ma génitrice, son cœur était reparti. Il fallait le dire, je n'y croyais pas. Comment avait-elle pu faire, pour défier ainsi la mort et lui montrer qu'elle était bien plus forte ? J'étais rempli d'admiration pour ma mère. Mes yeux brillaient, et mon cœur s'emplit de fierté. J'avais envie de faire la même chose, c'était sur. J'avais envie de sauver des vies. Et c'est comme ça que dans mon esprit, l'envie de devenir chirurgien vint.

III.

ETHAN ▬ Ne t'inquiète pas, je veillerai sur toi.

Je fixai le visage de mon petit frère, qui semblait aussi bouleversé que je pouvais l'être. En l'espace d'une journée, tout avait changé. Je n'avais plus de parents, et j'étais devenu l'ainé. Orphelin. Comme tant de personnages de la littérature que j'adorais, j'avais connu un événement tragique. Il était dur pour moi de réaliser, que toutes ces figures joyeuses que je rencontrai toutes les jours avaient disparu. Ils étaient morts. Je n'avais rien pu faire pour les sauver, et je me sentais coupable. Peut-être que si nous ne nous étions pas dérobé, nous aurions pu être tous sauvés. Il aurait fallu d'une seconde de plus pour que rien de ceci ne se soit passé. Le destin était définitivement cruel.

Nous fumes envoyé chez notre oncle, qui n'avait pas tellement d'années de différence avec nous. Je l'aimais bien, mais il ne remplaçais pas ma famille. Je devins de plus en plus turbulent, bien que mes notes restaient excellentes. Mon esprit divaguait, et étais agité de tant de pensées que je ne parvenais pas à ordonner. Un vrai chaos.

Quelle question inutile, puisque j'étais dans le massacre à proprement parler. Oui, je faisais partie de la bande qui s'était aventuré dans l'habitation, et je ne peux vous dire combien je le regrette. Pour tout dire, j'avais été trainé par mon frère, qui prenait souvent l'habitude de se mettre dans des situations louches. Comme il y avait dans le groupe bon nombre de mes amis, je décidais de les suivre. Après tout, le surnaturel, je n'y croyais pas des masses. Voire pas du tout. Ce que je ne pouvais pas voir, je ne croyais pas, un point c'était tout. Seulement, cette nuit là ne se passa pas comme prévu. Une des personnes les plus chères à mon cœur, mon meilleur ami, fut pris au piège et tué. Il ne fut pas le seul, puisque des amis qui mon frère et moi avions en commun périrent également. Je ne peux raconter à personne ce qu'il s'est passé là bas, car mes souvenirs sont on ne peut plus flous. Tout cela est tellement bizarre.